Et aujourd’hui
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La sorcellerie existe encore en Berry, qu’on le veuille ou non, dans les faits, dans les têtes et dans l’ âme de tous les berrichons restés au pays ou partis ailleurs. Il est vrai que lorsque l’on parcourt son histoire, le Berry se distingue par une sorte d’insularité, tout comme si cette région avait, là aussi, échappée à l’influence culturelle et socio-politique du reste de la France. contrairement aux autres régions françaises, le nombre des procès de sorcellerie y est extrêmement faible. Tout se passe comme si un consensus profond s’était perpétué entre les croyances venues de loin et la raison d’être de chacun au quotidien. (Brigitte LUCAS) Oui, les habitants des campagnes croient encore à la sorcellerie, à divers degrés, suivant l’état local des esprits, les traditions courantes et la diffusion de l’instruction. Beaucoup, quand on les interroge, ne voulant pas prêter le flanc à la moquerie, en plaisantent ostensiblement ; mais au fond, ils y croient fermement. ( Jean Louis BONCOEUR ) Un couple britannique, Harry et Jacqueline ATTERTON, propriétaire depuis 1988 d’un château-hôtel à Bouesse ( château fort du XIIIe siècle ), au coeur de la Brenne, assiste depuis quatre ans à la fuite de leurs clients sous prétexte de » phénomènes étranges » qui se produisent dans une de leurs onze chambres. Les clients racontent toujours à peu près la même chose : ils affirment être victimes d’un fantôme farceur s’amusant à les bousculer ou à renverser leurs valises. Les faits se déroulent aussi bien le jour que la nuit et les témoins ne sont pas spécialement des farfelus : le premier à oser en parler était un juge ! Une quinzaine d’occupants ont ainsi été victimes de ces » esprits » ; même dans le Berry des » jteux d’sorts « , voilà qui peut troubler. ( Paru dans la Nouvelle République du 23 Nov. 1996 ) En juin 1993, la mort subite à Jars (Cher) de plus de 40 chèvres d’un élevage voit aussitôt fleurir dans certains journaux le mot de « sorcellerie », jusqu’à ce que l’analyse révèle un empoisonnement criminel. L’éleveur parle alors de sorcellerie et évoque une affaire identique, survenue 8 ans auparavant à un vétérinaire. Ce dernier se serait adressé à une voyante qui aurait guéri ses bêtes. ( Détours en France n° 39 bis 1998 ) Aujourd’hui, jeteurs de sorts et autres désenvouteurs peuvent être condamnés pour escroquerie et tomber sous le coup de l’article 405 du code pénal pour œuvrer moyennant finances. Ils risquent de 1 an à 5 ans de prison, une amende de 3 600 à 2 500 000 F voire une interdiction de 10 ans d’exercice des droits civiques, civils et de famille. ( Détours en France n° 39 bis 1998 ) » Le journaliste de « Notre Temps » a rencontré un homme qui vit dans les bois de Reuilly entre ISSOUDUN et VATAN. Il s’agit d’un citoyen de 71 ans qui a choisi de vivre aux portes du village car les villageois l’ont maudit après l’avoir consulté pendant 25 ans. On venait le voir pour un zona, une verrue mais aussi pour tirer les cartes ou lever un sort. Il faut dire que cet de fait fut marginalisé, son nom a une consonance étrangère et en plus son regard fait peur. » L’étranger appelle l’étrange et le regard appelle le mauvais oeil. L’imaginaire des gens du village a fait le reste. Le pseudo sorcier a du quitter le village… ( Notre Temps Octobre 1997 ) En 1981, lors d’une enquête ethnologique dans l’Indre, à une quinzaine de kilomètres de Châteauroux, j’ai rencontré « ma première sorcière ». Bon pied bon oeil. On la craint encore aujourd’hui. On l’invite pourtant au club du 3e âge, avec, ou sans arrière-pensée. Les religieuses, des missionnaires franciscaines, dont l’une était l’infirmière du pays, m’avait mis en garde… sa maison, je devrais dire sa masure, était au bout du village. Comme dans les comtes de Perrault, toute la panoplie de la sorcière y était ! Le balai en genêt près de la porte. Elle intimait à satan, son chien, l’ordre de se taire. Elle m’est apparue, sale, dans de vieilles frippes noires (elle portait le deuil de son mari mort depuis plus de quinze ans), édentée, chevelure blanche, flanquée de son bouc et de ses chèvres. On ne savait pas trop si elle logeait dans la vieille étable avec ses bêtes ou si son bétail cohabitait dans l’unique pièce où elle me recevait… Elle m’expliquait, la larme à l’oeil, qu’elle était triste, car elle allait devoir de séparer de son troupeau. Elle était trop vieille pour porter jusqu’à la grand-route ses bidons de lait de chèvre que ramassait la fromagerie. Elle m’a offert un café, un » bon jus de chaussette » fait dans la tradition, avec un arrière-gout de chicorée. Quand je lui parlais de ses voisins, elle bougonnait d’un air mauvais qu’elle avait fait ce qui fallait : » que l’herbe ar’pouss’rait pas avant longtemps et que les vaches f’raient pu d’lait… » Ce jour-là, bizarrement, mon magnétophone n’a jamais voulu enregistrer ses propos. Vous devez me croire sur parole ! ( Brigitte LUCAS ) |